Je deviens "l'ennemie de l'état" officiellement, même si on ne m'a jamais donnée une papier en le certifiant, c'était écrit noir sur blanc.
Ces derniers jours, je me suis dépêché avec les entrées, non pour arriver à ce jour-ci dans mon blog où je publie le journal de jeune fille que j'avais été, à partir de dix ans, je viens avoir presque 25 ans aujourd'hui là-bas, et traverser une des périodes le plus douleureuses de mon existance. Non pour y arriver, mais pour le dépasser et ne plus devoir vivre dedans et y penser jour et nuit. Hier, j'étais épouisée, possible à cause de cela.
J'ai déjà publié il y a une semaine je crois le récit de ce qui arriva, mais les conséquences de ma rencontre avec une des plus grande tyranes, Elena C. ne sont arrivés aussi vite, les uns après les autres, que je me les rappellais. De novembre 1958 à fevrier 1959, quelques semaines sont passées, les coups arrivés les uns après les autres, mais à chaque fois je m'accrochais encore, je ne voulais croire que le tapis était complètement retiré sous mes pieds, l'epérence encore pas tout à fait abandonné.
Oui, je n'étais plus dans l'institut de recherche en train de travailler presque comme ingineur chimiste que j'allais devenir sitôt, oui, on m'avais retiré ma carte de membre de l'union de la jeunesse, oui, on m'avais interdit de mettre le pieds à mon ancien travail. Mais on m'a finalement délivré un certificat de stage nécessaire pour passer la soutenance de mon diplome d'ingineur, on m'avait approuvé ma thése et j'avais trouvé avec l'aide de mon père un travail de manoeuvre à la chaine.
C'était le travail le plus mécanique que j'ai fait jamais dans ma vie. Il n'y avait pas des machines, on faisait tout à la main. Avec huit autres femmes, autour d'une table au milieu duquelle il y avaient des étiquettes et fioles sur lesquelles il fallait les coller, je collais des étiquettes autour des petits fioles remplis déjà d'essance pour les briquettes. Non, pas moi, mes mains. Non, pas les mains, les doigts. Après seulement deux jours, peut être même avant, j'avais appris que je ne dois pas regarder, je ne dois pas y penser, je dois laisser - comme les autres femmes le faisaient tout en discutant de menage et enfants entre temps - je dois laisser mes doigts faire le travail et ne pas y penser. Alors, cela allait plus vite, alors, je faisait moins des fautes et ne les collais pas à l'envers, mes doigts savaient mieux que moi, ils avaient appris. Encore aujourd'hui, après tant d'années ils savent faire le mouvement entré comme reflexe.
Je ne participais pas à la discussion. Je pensais et espérais et ne voulais pas croire que j'était au bord du gouffre, même quand il était devant moi. Et je pensais aussi, c'était plus agréable à Sandou et nos baisers et ponderais si le temps n'était pas venu de sauter le pas, abandonner l'état de jeune fille. Ne pas devoir coiffer en trois mois la Saint Cathrine comme vieille fille de vingt cinq ans. Entre temps, mes doigts travaillaient automatiquement.
Alors, un soir, après travail, je suis allée à l'université pour regarder le jour que je devais passer la soutenance et appris que j'étais pas sur la liste. Pourquoi?
J'ai dû insister longtemps avec la secrétaire pour qu'elle me dit "vous avez été declaré "ennemi d'état" ou du peuple, je ne me souviens pas exactement des mots précis roumains, et éliminé, interdit non seulement de cette université mais tout autre établissement scolaire de la Republique Socialiste Roumaine.
Seulement quelques jours après, on a aussi averti la coopérative où je travaillais comme manoeuvre et ils m'ont mis dehors de mon travail. Même ce travail-là, m'était interdit. J'y suis aujourd'hui et je n'ai pas pu dormir. A la place j'écris ceci.
Sans travail, sans études, sans espoire, sans passeport pour sortir aussi. Le passé anéanti, le présent fermé et le futur tout à fait indécis.
Ce jour j'ai me suis senti au fond du gouffre.
Je me suis accrochée, aussi avec l'aide de mon père qui a engagé un professeur de français pour moi, un ancien copain qui avait vécu une année à Paris, étudier la langue française. Huit heures par jour, des fois dix, j'étudiais. Six jours par semaines. Il venait deux fois par semaines pour une heure et me donnait que faire. J'étudiais. Des mots, des phrases. Hélas, il ne m'écrivit pas les articles près des mots et jusqu'à aujourd'hui je lutte avec lui. Un table? Une table? je me le demande tout le temps pendant que mon petit fils David me corrige, il n'a que cinq ans.
La langue français, les études, plus tard les livres que je commencais à pouvoir lire en français, m'a aidé à grimper du gouffre phychologique dans lequel je me trouvais, mais il a fallu dix huit ans pour que j'obtiens un diplome... et je l'ai obtenu alors, en France. Mais à l'époque, je ne savais pas à quoi étudier la langue française va me servir et si jamais va me servir à autre chose que de lire en original.
C'était important, l'étude de la langue français, mais en réalité, ce n'est pas cela qui m'a sorti vraiment du gouffre, mais ma décision, et les suites de ma décisions de ne plus rester jeune fille, devenir femme, franchir le pas avec Sandou qui me devenais de plus en plus cher. Mais cela n'arrivera que dans quelques jours dans mon journal de jeune fille, bientôt jeune femme. Et j'en parlera alors. Et oui, cela m'a donné une tout autre perspective de la vie, de ma vie. Une nouvelle espérance.
Maintenant, je vais essayer de dormir, il est deux heure et demi la nuit (on dit le matin en français curieusement, pourtant c'est le milieu de la nuit encore). Je vais tacher de mettre derrière moi l'image de Julie manoeuvre, de Julie ennemi de l'état, de Julie interdit de travail et des études, sans espoire ou espérence et penser, peut être cela va m'aider à m'endormir aux délices de femmes qui étaient encore toutes devant moi. Bientôt. Bientôt, cela viendra aussi. Des nouvelles découvertes. Nouvelles joies. Nouvelles espérences.
C'est tout honteux que je dois l'avouer : c'est la première fois que je lis vraiment ce blog, alors que j'en connais l'existence depuis longtemps.
RépondreSupprimerEt je n'ai rien d'autre à dire que "oui je reviendrai", et "continue".
incroyable témoignage de ce qui fut réalité, mais qui t'as laissée en vie Julie! merci de te faire l'écho de ces moments incroyables que tu as vécu pour de vrai, et la façon dont tu t'en es sortie. Je crois que dans ces combats, nous sommes inégaux, certains en sortent, d'autres pas...
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