lundi 5 décembre 2005

"Allez dans votre pays"

Ce matin, enfin, j'avais le rendez-vous pour remettre mon dent tombé... il y a plus d'un mois déjà! En attendant mon tour, j'ai lu un article de Match sur ce qui s'était passé dans les banlieux.

J'étais surtout impressionné par le récit d'un jeune (non, il devait déjà avoir dans les 28 ans!) racontant ses débuts de vol, dans l'atmosphère d'un ville de banlieux, et fièrement disant "maintenant je travaille" j'ai compris que l'argent facilement gagné et facilement dépensé ne vaut pas grand chose et aussi j'ai trouvé le chemin de dieu, mais pas celui des minorités enseignant qu'on est bon religieux quand on n'aime pas la France, le vrai enseignant à aimer et à travailler et depuis, je me sens apaisé. Et sans danger qu'on m'arrête.

Mais ce n'est pas ce parti du récit qui m'a le plus impressionné, c'est quand il dit que "nous les enfants des imigrés nous ne nous sentons plus à la maison nul part." Leur patrie n'est plus Algérie, dit-il, et quand il était là-bas en vacances on le regardait comme étranger, et dans la patrie de sa naissance, on le regard de même, disait-il dans l'interview.

Ensuite, mon tour est arrivé.

La dentiste, pas très contente, rouspète. Pourtant, c'est elle qui m'avait remise ce dent qui a tombé seulement quelques semaines après qu'elle l'avait remise. "Vous devriez... ceci et cela" tout est de ma faute bien sûr, et puis le dent n'est que plastique et pas porcelaine. "Bien sûr, le plastique n'est pas bien" me dit-elle quand je demande si ce ne serait pas possible de m'en faire une autre, mais pas trop cher à la place du celui qu'elle affirme déjà mauvais.

Non, me dit-elle, ajoutant aussitôt : "Allez dans votre pays" le refaire.

Quand je demande qu'elle nettoye mes dents, puisque'elle dit qu'ils en ont besoin, elle ne me donne pas de rendez-vous. "La dernière fois vous n'êtes pas venu" et quand je lui dit qu'elle m'a assez puni en me recevant seulement une mois après que j'ai demandé, elle dit "non, pas pour cela!" Elle prétend ensuite vite qu'elle est débordée de travail.

J'ai compris.

Ce n'était pas ça, effectivement. Elle n'a pas digéré qu'au lieu de lui donner 3000 euros pour mes dents à pivots qui étaient tombés, je suis allée les faire avec 300 euros dans ma ville natale.

Mon pays?

Je n'ai rien dit, je suis partie. Mais je n'ai pas pensé moins. Je suis un peu, j'aurais pu dire, comme ces jeunes d'origine arabe, non, ce n'est pas un gros mot! J'aurais pu dire que mon pays est depuis plus de 40 ans la France. J'aurais pu dire que la Roumanie n'était jamais vraiment "mon pays", et malgré ma langue maternelle hongroise, la Hongrie non plus. Et, Transylvanie, n'était pas un "pays" depuis la fin de la Renaissance.

J'aurais pu dire que je n'ai pas de pays, mais cela heureusement n'est pas vrai non plus. Multiculturelle, multinationale, ayant vécu dans plusieurs pays, je me suis sentie en fait "chez moi" à chaque fois. Comme, je crois, les parents de ces jeunes, certains entre eux ne se sentant pas "chez eux hélas nulle part". Chez moi, est la place où je vis, à tour de rôle, "mon pays" a changé et je me suis sentie solidaire aussi des américains, quand j'y ai vécu plus de trois ans.

Je suis attachée, avec cette attachement permettant autant aimer ce qui est bien que dire ce que je n'y trouve pas bien, partout où la vie m'a balancé, puisque rarement c'était ma choix de changer d'un lieu dans un autre. Et je peut dire avec certitude que je n'ai pas trouvé bien de m'envoyer "dans mon pays" comme disait ladite dentiste, même si c'était à souligner que là-bas je peux me faire mettre mon dent pour moins cher. Et je ne trouve pas bien non plus, quand on le dit pour d'autres. Et je ne trouve pas bien non plus qu'en France les soins dentaires sont si mal remboursés et si chers en plus!

Je me sans ici, depuis quarante ans, (donc peut-être pas les deux premières) chez moi, et quand quelqu'un attaque la France ou dit quelque chose de mal je me sens concernée. Depuis plus de 45 ans (et encore alors) mon pays n'est plus la Roumanie.

Bien sûr, je me suis sentie "chez moi" pendant en juin à Cluj-Napoca et en Transylvanie, mais je me sens "chez moi" aussi près de Washington quand je visite mes petits enfants et ma fille, pourtant je n'y est habité que peu. Et je me sens "chez moi" dans mon banlieu très mélangé aussi, tout à fait à l'aise avec ses enfants des personnes comme moi, venus de divers parties de monde pour travailler, pour mieux vivre.

Bien sûr, nous avons une vécue et une culture différente et des fois il y a des malentendus, mais surtout nous avons une amour pour l'autre, une compréhension réciproque des difficultées de la vie et, j'ai l'impression, une courage similaire pour les affronter.

J'irai peut-être à Cluj pour mettre en ordre tout mes dents, et surtout, m'en rejouir qu'enfin elle est en bonne route vers le futur. Et je devrais remercier mon dentiste qu'elle me donne un sujet d'écriture, mais ça heurte encore. Alors, je dis "tant mieux" mais je ne lui remercie pas.

10 commentaires:

  1. Il y a à côté de chez moi un centre optique mutualiste et un centre dentaire mutualiste. Ces deux centres sont tenus par des mutuelles. Ils s'efforce de concurencer les dentistes et les opticiens afin de leurs faire baisser les tarifs. Ca marche bien.
    Mes lunettes me reviennent à presque rien et pour les soins dentaires, je n'ai pas a débourser un centime, ils se débrouillent tout seuls avec la mutuelle et la sécurité sociale.
    Il est vrai que certains corps de métier exagèrent.
    Je t'embrasse. A plus tard. Bises

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  2. C'est honteux qu'elle ait dit ça. En plus, c'est difficile de s'indigner quand un dentiste vous tripote la bouche ;)
    Je comprends que cela puisse faire mal. C'est le problème (mais la richesse aussi) des "citizens of the world".

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  3. Mais pour qui se prend elle ta dentiste ?
    Il y en a vraiment qui exagérent.

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  4. Bonjour Julie
    je comprends que cette remarque t'ait blessée et meme plus.
    C'est une remarque tellement xenophobe et raciste.
    Je pense que je lui aurai répondu et ne serai jamais plus retourner la voir.Et en plus lui aurait fait une tres mauvaise publicité.Ces gens la n'ont pas besoin de nous.
    Et ne peuvent rien comprendre car souvent ils ont pas bougé de leur petit coin depuis leur naissance.
    ca me rappelle cette phrase que je voulais mettre un jour dans mon blog suite a mes propres interrrogations sur mon identité

    elle s'applique si bien a toi:

    "Notre identité en effet n'est pas dans nos origines, dans notre passé, dans notre milieu familial ou socio-culturel (...) ou telle disposition de notre caractère. Elle est dans ce que nous apportons au monde ou ce que nous ne lui apportons pas. Dans notre fonction humanisante ou, au contraire, déshumanisante"

    Georges Haldas

    J'en dirai certainement un mot chez moi.
    a bientot

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  5. eh bien Julie, heureusement qu'il y a des gens comme toi, et la terre est suffisamment grande pour qu'il y ait de la place pour tout le monde...
    cela dit il y a des cons partout, blancs, noirs, verts, jaunes etc, hommes, femmes, et dans toutes les catégories socio-professionnelles, ou à défaut d'être cons, des gens qui sont aigris pour des raisons que l'on ignore et qui jettent leur fiel sur les autres (parce qu'en réalité ils ne sont pas bien à leur place) c'est peut-être le cas de ta dentiste qui devrait prendre des vacances au soleil...
    B

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  6. Merci François pour l'idée pratique!

    et de tous vos encouragements aussi.

    Advisura, une seule chose que tu n'as pas raison: le fait de n'avoir pas bougé d'un lieu n'a rien a faire dedans, crois-moi, je connais des gens extra qui n'ont pas "bougé" trop de leur coin et pourtant... mieux vaut pas généraliser, en tout, même en cela.

    Enfin, c'est passé, mais vous avez raison je n'aurais plus envie d'y retourner à cette dame, pourtant elle ne doit pas être un maivais dentiste. Si je dois, j'irai chercher un "mutualist".

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  7. Très chère Julie. Ton témoignage vaut toutes les dents en or du monde !!! Ils ont osé parler à nos pères ainsi. Et leurs fils ont subi des moqueries de "bons français"... Les peuples passent et eux sont toujours dans leur bocal à hurler "On ne veut pas de vous !"... Nous, deuxième, troisième, xième génération, on est dehors, on se donne la main et on danse, on chante, on rit... dans un français plus ou moins bon, mais un français vivant !

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  8. Julie, les propos de ta dentiste sont racistes, et je trouve ça tout simplement inadmissible.
    Car la richesse d'un pays, vient de la diversité des cultures qui le compose…

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  9. Toi seule sait dire les choses si bien. Sur le juste ton. Sans excès mais avec la puissance qu'il faut.
    Et je crois que ta dentiste, si j'en juge par sa mauvaise foi, ne doit pas être que raciste...

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  10. julie tu as raison
    j'ai un peu trop vite généralisé
    et mes excuses a tous ceux qui n'ont jamais bougé de leur coin!malgré tout je pense que la pluapart des personnes qui n'ont pas eu a vivre dans d'autres pays ou elles sont nées ne peuvent pas ressentir vraiment le fait qu'on ne se sente d'aucun pays ou de plusieurs pays...que partout on soit capable de se sentir chez soi, qu'on soit capable partout de prendre ce qui est bon et de ne pas trop nous embeter avec ce qui nous semble moins bon...
    bref j'ai bien aimé ton billet
    et je suis désolée d'avoir généralisé c'etait parceque j'ai réagi sur le chaud.
    a bientot

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