dimanche 5 mars 2006

La fête des grands-mères

C'est donc vrai. Aujourd'hui on fête des grand-mères. Mes deux petits-enfants viennent m'appeller à me le rappeller et me chanter. Lui, la dernière appris "j'ai du bon tabac", heureusement, il n'a que cinq ans et, j'espère qu'il l'oubliera et ne fumera pas lui non plus. Ils sont allés au Musée d'Orsay et vus des belles statues et, une tableau horrible qui leur a fait peur. Mais les nounours étaient sur nos dos (sacs de dos)! ont ils ajouté rapidement.

La fête de grand-mères.

J'ai eu deux grand-mères, très différentes et j'ai décidé d'en parler ce soir de l'une entre elles. De l'autre, Sidonie, vous pouvez apprendre tout seul, en lisant son journal que j'ai traduit et publié. Mais je n'ai jamais écrit sur la mère de mon père.

Hélas, le meurtre d'un jeune juif de Paris nous a rappellé sur les préjugés sur les juifs qui perdurent encore et depuis si longtemps, hélas. Riches, ils peuvent payer... j'avais entendu, non, plutôt lu. J'étais heureuse que c'était un noir et pas arabe puisque je me suis rappelée que sans avoir rien entendu je suis allée au Hamaam et me suis sortie enrichie de la culture différente. Et des nouvelles copines. Je me disais, "et pendant ce temps on torturait..."

Mais il y a toujours des nouvelles horribles qu'on nous sort et ressort. Je voudrais quand même parler de grand-mère, qui était juive (même si pas religieuse) et pauvre.

Les parents de mon père vivaient dans un tout petit village éloigné de tout au coude des Carpathes et lui, (pas du tout caucher) était charcutier. Au moins, il essayait l'être quand il avait des clients, mais dans le petit village où ils s'étaient installés et on vécu plus de 50 ans, dans une maison sans eau courant, sans toilettes, sans... beaucoup d'autres choses, il y avait que quelques centaines, deux ou trois cents habitants, familles et ils étaient pauvres eux aussi et ne mangeaient pas souvent du viande de porc, du viand tout court non plus.

Mon grand père, Adolphe, au grand moustache, jambes flagélants depuis que je suis née au moins, était assis devant la maison et nous regardait jouer, moi et ma cousine, qui elle habitait avec eux. Ma grand-mère travaillait toujours, nettoyait la maison, faisait à manger, ne s'arrêta jamais. Même avec sa fille grandie, il y avait tant à faire.

Mais le soir quand je suis devenue plus grande, - et impuissants à vivre tout seuls si loin et mon père les a installé non loin de nous - après l'école, mon grand-père Adolphe demandait à sa femme Ida: "mets-toi au milieu de la pièce et récite un poème". Et puis, fier, en me regardant, moi qui allait à l'école (j'était en deuxième primaire déjà, ce2) "elle sait des poèmes par coeur, ta grand-mère!"

Il n'avait jamais allé à l'école, son épouse était sa fierté, elle avait étudié, elle avait fait quatres classes d'école primaires. Elle rougissait (elle devait avoir mon âge de maintenant ou plus) et se mettait à les dire, par coeur.

Il aurait voulu que mon père travail, elle l'a obligé à l'envoyer étudier. Loin, au collége, encore plus loin pour poursuivre, habitant chez des parents éloigner, dans la capitale. Mon père sera les dents quand il n'y avait quoi manger et que les autres recevaient des grands paquets et il avait appris à faire des copains très tôt. Il adorait sa mère.

Ma grand-mère resta à Kolozsvàr quand nous sommes partis, papa croyait que personne ne les connaitra pas et qu'ils ne seront pas dérangés. La voisine, avait besoin d'un logement pour sa fille récémment mariée. Elle les dénonça. Ils furent un des dernières emportés dans un wagon de bétail. Mon grand-père mouru dans le wagon et ma grand-mère a tenu sa tête encore trois jours, on nous avait dit finalement, dans son bras, jusque le wagon arriva à Auschwitz.

Quand j'étais enfant, quand j'ai grandie, j'ai toujours pensé, sans jamais le dire à mes parents que si seulement on les auraient laissé finir dans leur petit village éloigné de tout, ils aurait eu une meilleure fin. Mais il y a deux années j'y suis allée, après 60 ans, et j'ai parlé avec les gens. Les enfants de ceux qui nous ont donné des papiers à nous, deux ans avant que nous avons dû l'utiliser.

On avait emporté les hommes à l'armé au travail forcé et il ne resta plus que des enfants, femmes et vieux, juifs pauvres ou "riches": une famille avait même une maison avec une étage. "Une vraie chateau!" me disait une des femmes rancontré là et me montra la très modeste maison, pourtant un peu mieux que toutes les autres et beaucoup mieux que celle où mes grands parents avaient habités jadis. Un matin, les gendarmes sont venus et on pris tout le monde qui restait. Il n'a resté aucun juif ici, me dit la même dame. Ils les ont emporté à pieds, vingt kilométres, à l'aube. Nous n'avons rien pu faire et nous avions peur aussi. Et puis, elle ajouta, on ne savait pas qu'ils vont tous mourir.

Il n'est resté pas un seul juif dans ce village et il n'y en a pas revenu un seul non plus. En plus, là aussi, le souvenir qui reste dans un livre sur l'histoire du village est seulement de la seule famille "plus riche" qu'eux. Personne ne se rappelle pas de ma grand-mère.

Aujourd'hui c'est la fête des grand-mères et je me suis sentie obligée à parler d'elle, disparu en mai 1944 en fumée, après des horribles jours avec son mari mort dans ses bras. Non, tous les juifs ne sont pas riches, mais l'inconscience collective va-t-il jamais changer?

Je n'ai pas été élévée dans cette religion et je me suis marié avec un chrétien ortodoxe grec, et mes enfants aussi, mais les petits enfants qui m'ont appellé ont quand même encore un quart de sang juif dans leur veins, je tremble en y pensant qu'un jour ils pouront en pâtir. L'histoire et les gens ne changeront pas, trop lentememt si quelque chose se fait et on oublie si vite les horeurs aussi - des fois on ose même à les nier. Et vite, la même chanson revient "ils sont riches, qu'ils payent", et si ce n'est pas eux, les autres. "Autres."

Je n'ai pas pu m'en empêcher, comme disait un jour Peirot de StNizier, je n'ai pas pu m'en empêcher d'en écrire de tout cela pour la jour de ma grand-mère. Pour la mémoire de ma grand-mère que je connaissais pourtant si peu, n'allant la voir qu'une fois par an pour quelques jours avant mes sept ans, n'allant la voir que de temps en temps après école, jusqu'à mes neuf ans. Ensuite, elle a disparue et mon père a porté des cravates noir toute sa vie parce qu'il n'a pas su, il avait dit, mieux les cacher, mieux la protéger.

5 commentaires:

  1. Qu'elle triste histoire. Et quel deuil qu'a porté ton père.

    Bonne fête des grand-mères, Julie.

    RépondreSupprimer
  2. Quel recit emouvant et quel hommage. J'en ai les yeux encore tout mouilles.

    J'ai lu un peu sur cette affaire du jeune homme que l'on a torture a Paris. Eric (ParisDaily) avait poste une photo de la manifestation sur son blog. Ce qui m'a inquietee, c'est ce qui est arrive a ce pauvre jeune homme, bien entendu, mais ce qui m'a rassuree c'est le nombre de gens qui sont descendus dans la rue pour manifester en solidarite. Y a t'il quelque espoir de voir les choses changer un jour et de voir les gens developer un peu plus de tolerance les uns envers les autres?


    Bonne fete des grands-meres, Julie.

    (desolee, je suis sur l'ordinateur portable qui n'a pas d'accents aujourd'hui).

    A bientot, TF

    RépondreSupprimer
  3. Heureusement Julie que tu ne peux pas t'empêcher de témoigner ! Il reste un petit espoir que toutes les voix crieront si fort que la tourmente s'arrêtera

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour,

    C'est en "sautant" de blog en blog que je suis tombée chez vous !
    Quelle délicieuse mélancolie se dégage de vos écrits ! Votre fraîcheur m'éclabousse et ça fait du bien !
    Anne

    RépondreSupprimer
  5. Bonjour Julie
    merci beaucoup pour votre témoignage et la mèmoire de votre grand mère...on n'oubliera jamais ce qui s'est passé.
    Je suis aller à la manif et de voir des milliers des gens de toutes origines ensemble en mémoire d'Illam Halimi et contre toute sorte de racisme m'a rempli d'éspoir de voir un changement dans notre attitude vers l'autre.

    RépondreSupprimer