dimanche 15 avril 2007

L'oeuf

Ai-je raconté déjà dans ce blog que qu'un oeuf signifie pour moi, encore et toujours? Certains souvenirs restent en nous, profonds, forts.

L'oeuf c'est le trésor que je tenais en main en remontant de la voisine d'en bas. J'avais dix ans.

Nous avions quelques jours auparavant traversé le Danube gelé - après le départ des allemands et l'arrivée des russes il ne resta plus un seul pont à Budapest.

Nous avons dû nous enfuir de Buda quand une nuit les soldats russes venus nous libérer sont entrés dans la cave où nous dormions encore tous ensemble et ont surprise maman sans charbon sur son visage. "Devoir de pomme de terre!" ils ont dit, dans deux jours vous allez vous présenter. On savais déjà ce que cela signifiait. Nous avons mise tout qu'on pouvait sur ma luge et partie à l'aube. Avec chance, nous avons pu traverser la large rivière.

Une semaine plus tard, des gens ont été pris sous la glace.

Après trois mois de siège, nous n'avions presque plus des provisions, et espérions que la cousine de maman, où nous sommes allées va nous donner quelque chose. "Nous n'avons rien non plus!"

L'oeuf était un trésor. Le voisin du bas allait en Transylvanie s'approvisionner et vendre à Pest les denrées alimentaires. Il avait un petit camionnette ouverte, comme ceux que j'ai vu au Maroc en février. J'étais heureuse d'aller bavarder avec sa femme, restée souvent seule. Elle me recompença un jour avec l'oeuf.

Regards, maman!

Je me souviens encore de l'oeuf dans ma paume et de la sensation qu'il procura, la joie que nous avons eu à discuter les différents façons possibles à le préparer.

Finalement, ce fut "dur" puisque maman avait réussi à m'expliquer qu'ainsi on n'en perds rien. Je ne me souviens pas, étrangement du goût mais surtout du moment quand je l'ai tenu dans ma paume. Tant cru, que plus tard cuite.

Deux jours plus tard, maman a surpris sa cousine et son mari manger en cachette dans la cuisine et fâché contre eux "vous n'avez rien donné à l'enfant!" elle n'est plus voulu lui parler tout la vie. Une semaine plus tard, nous sommes parties sur le plat-forme de la camionnette vers notre Transylvanie, en "paix" déjà depuis six mois.

Sur la route, le seul aliment qu'il nous restaient étaient des semences des pavot (on en faisait des gâteaux avec avant) et affamés, mon père et moi, nous avons mangé trop et devenus malades. Mais je ne me souviens pas bien de goût des pavots, même si depuis je n'avais plus envie d'en manger.

L'oeuf dur reste un aliment préféré et apprécié, même si la plupart de temps le souvenir ne remonte pas à la surface.

4 commentaires:

  1. c'est prenant ce récit Julie, comme souvent ce que tu écris
    et cela me fait penser à un poème de Prévert, qui dit quelque chose comme ça, de la part d'un gars qui a faim, mais les moyens de manger
    "le petit bruit de l'oeuf sur le comptoir..."
    Pour ma part, je me souviens des oeufs tout frais pondus que je gobais dans le poulailler de ma grand-mère. Elle n'avait pas beaucoup d'argent non plus, et ces eoufs étaient des trésors de bienfait, quelque chose qu'aucun caviar ne pourra égaler...

    RépondreSupprimer
  2. il fallait lire "mais PAS les moyens de manger"...

    RépondreSupprimer
  3. Et l'oeuf dur c'est un très bon aliment encore aujourd'hui.

    RépondreSupprimer
  4. Les oeufs me souvient toujours de mon enfance, heureuse, et de ma douce mere... Quand je vois des oeufs je me sens comme un enfant, je rajeunie...

    RépondreSupprimer