dimanche 4 mai 2008

Les foulards rouges

Les foulards rouges commencent, lentement, à prendre d'autre signification pour moi, après avoir prise tant des images des hommes déguisés en voyous d'autres temps, l'utilisant.

Jadis, dans un autre lieu et autre temps, le foulard rouge était la récompense offert par les communistes aux jeunes élèves sages: on les nommait "pionniers". Ils étaient distingués entre les autres: portant le foulard rouge.

16 years old in 1950J'avais voulu m'occuper d'eux, et à 15 ans, membre déjà (quelle distinction) de l'union des jeunes travailleurs, (dont vous pouvez voir l'insigne ici que je portait fièrement) je suis devenue une des responsables pour pionniers à Bucarest. Pas pour longtemps.

Six mois plus tard, on est venu emporter mon père au milieu de la nuit. Nous n'avons pas su le lieu et il n'y eu aucun papier fait non plus.

Après des mois passés dans les caves de la Securitate, qu'il n'a jamais pu oublier, et d'autres mois dans un prison avec des condamnés de droit commun, où il n'avait pas souvent du repas puisqu'il n'était pas officiellement là, il a eu de chance. Sept mois après en effet, on a déclaré "erreur, vous n'étiez pas saboteur" et on lui a offert un autre job de responsabilité. Qu'il a refusé. En préférant dorénavant n'être que conseiller et pas directeur.

Il a fait par la suite tout pour nous fait sortir de ce pays, ce régime communiste. Il a fallu beaucoup des années, mais étant persistant et rusé, finalement il avait réussi, même si plus de dix ans plus tard, nous avons pu sortir, émigrer.

Aussitôt qu'on a emporté mon père en menottes au milieu de la nuit, on m'a convoqué à l'union de la jeunesse travailleurs (communistes) et en réunion publique, en m'accusant de n'importe quoi, non seulement on a retiré ma charge de responsable des pionniers, mais aussi mon carnet de membre que je portais sous mes seins dans un petit sac confectionné spécialement pour cela.

Sept mois plus tard, on m'a rendu mon carnet et mon foulard rouge et l'on m'a confié une autre responsabilité d'organiser les pionniers dans l'école Hongrois de Bucarest. Mais je n'ai plus jamais porté mon carnet sur mon cœur. J'aimais pourtant m'occuper des enfants "pionniers".

Lors le 1 mai suivant, j'ai emmené les enfants, de 7 à 10 ans à la manifestation organisé par le parti (il n'y avait qu'un seul bien sûr). On avait dit que les enfants des écoles vont défiler au début et on nous a fait venir à 5 heures de matin. Les décisions ont changé et notre tour était venu seulement vers 12 heures.

Il faisait très chaud ce jour-là à Bucarest. Un peu comme hier, ici, peut être 20 degré à l'ombre mais 38° au soleil, et il n'y avait pas beaucoup d'ombre sur la route!

J'avais oublié cette démonstration, très fatiguant pour les enfants et pour moi qui devais m'en occuper aussi "Pourquoi vous nous avez fait venir si tôt?" on me reprochait. Que répondre? "Pourquoi nous n'avons pas passé à 9 heures comme prévu?" C'est les images des foulards rouge qui a apporté tout ceci à la surface.

Malheureuse?Je me souvenais seulement de la fin de mon activité. Après que j'ai donné mon foulard rouge à une petite fille, enfant de cirque, une mignonne travailleuse de cirque à qui on l'avait refusé sous prétexte qu'elle était souvent absente.

Ce n'est pas la même fillette, 60 années sont passées depuis et nous ne vivons pas ici dans une pays totalitaire, mais cette fillette, enfant de cirque était aussi blonde et malheureuse.

Je me souviens même des larmes qui coulaient sur son visage.

Elle devait faire des répétitions, déjà à sept ans, elle faisait un numéro avec les autres! "Sinon, il sera dangereux" me disait sa mère. Mais la réalité était différente. Ce n'est pas ses absences qu'on lui reprochait.

Quand je suis allée voir ce qui se passait, parler avec sa mère dans la caravane, celle-ci m'avait raconté: on avait arrêté son mari. On ne voulait pas offrir une cravate rouge à un gosse qui avait son père en prison, aussi bon élève et sage et travailleuse assidue qu'elle soit.

On m'avait promis finalement, qu'on lui offrirai un foulard rouge, ensemble avec les autres bonnes élèves de sa classe, mais quand le temps fut venu, il manquait sa cravate à elle. "Il n'y a pas assez" m'a-t-on dit. Non? je vais lui offrir la mienne!

Bien, m'a-t-on dit, mais le lendemain, on m'a retiré la charge de m'occuper des pionniers. Je n'ai jamais regretté ma décision.

En France, à Argenteuil, apparemment le foulard rouge a tout un autre signification.
Argenteuil en Seine 1 mai (133)d
Avec un chapeau de canotier ou une casquette, une chemise blanche et veste noir, beaucoup des hommes l'ont porté fièrement, ce 1 mai si différent et si éloigné en lieu et en temps.

3 commentaires:

  1. Quelle expérience de vie marquante que d'avoir vécu dans un pays totalitaire! On respire avec vous que vous vous en soyiez sortie et puis on a de la peine pour les autres... ceux qui sont privés de liberté, ceux qui vivent dans la peur. Injustice de son sort selon le lieu de naissance.

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  2. Julie, je sais ce que ce foulard rouge représente pour toi puisque j'ai connu toute ton histoire,y compris l'époque terrible de l'oppression totalitaire communiste.
    espérons que les luttes contre les génocides,les injustices meurtrières qui subsistent encore de par le monde ne passeront plus par ces horribles moyens, mais le foulard rouge reste un symbole d'espérance vers un monde meilleur.
    merci pour le lien vers tes photos, parmi lesquelles je me suis retrouvée... 6 ans ont passé , j'ai toujours ma veste rouge mais bien moins d'énergie physique et morale , c'est la vie si on peut dire .
    bravo pour l'ensemble de tes photos,les plus récentes me semblent en grand progrès..elles sont superbes et si variées .
    je n'ai pas répondu plus tôt : j'étais à dammartin que tu connais

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  3. Je n'ai rien vécu de tout cela et pourtant, cela me touche beaucoup. Peut-être parce que ma maman a dû fuir la Yougoslavie avec sa famille pendant la 2e guerre mondiale. Elle avait 4 ans! Il doit y avoir de la mémoire de ce temps dans mon sang.

    Ce qui me frappe aussi dans ton journal, c'est la détermination que tu avais déjà si jeune, osant défier le régime à ta manière.

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