samedi 12 avril 2008

Une histoire de nez, illustrée



J'avais terminé la révision de mes journaux et je les avais envoyés à un éditeur. Et maintenant? Depuis plusieurs semaines je ne savais plus que faire. J'avais envie de m'y mettre, la passion d'écrire ne s'était pas éteinte, mais je n'arrivais pas à commencer.

J'étais en 'panne sèche', bloquée.

J'avais une idée vague: il faudrait boucher les trous, faire resurgir les périodes dont je n'avais pas parlé dans mes journaux. Des souvenirs enfuis profondément, j'en avais, mais comment m'y mette?

J
e n'arrivais pas.

Par hasard, en flânant dans une librairie, je suis tombée sur un livre de Bonny Goldmann.
Ecrivez 'je me souviens' en haut de la page, disait-il, et puis plongez, sans réfléchir continuez jusqu'à la fin de la page. Ecrivez n'importe quoi, ce qui arrive.

Ne regardez pas en arrière, ne relisez pas, ne corrigez pas. Surtout, ne vous arrêtez pas. Si rien n'arrive à un moment, répétez 'je me souviens' et continuez de là, ou répétez-le encore.
J'ai essayé, ça a marché! J'ai rempli une page. Un souvenir douloureux, presque oublié surgit. Rien de spécial, mais la page était rempli et, le plus important, j'avais repris courage.

Le lendemain, j'ai lu la deuxième page des gammes (il y en a 220) proposant:
Aujourd'hui, commencez avec 'Je ne me souviens pas.'

De quoi ne vous souvenez pas? D'avoir jamais piloté un avion ou entré dans un sous-marin? De n'avoir jamais marché sur vos mains place de Concorde?

Plongez, et ne vous arrêtez surtout pas pour deux pages!
Je ne me souviens pas?

Je ne me souviens pas de... de quoi? Je ne me souviens pas d’avoir remarqué que j’avais un nez long.

Toute ma jeunesse j’avais honte de mes taches de rousseur de mon visage et de mon corps, mais jamais je ne remarquais la longueur de mon nez. Bien sûr, on se regarde dans le miroir de face, pas de profil.
photo par Fabrice

Profile, contour filterJe ne me souviens pas que la longueur de mon nez m’aurait dérangé... jusqu’à mon divorce, à 42 ans.

Quelques mois avant de nous séparer mon mari avait fait quelques photos de moi, de profil.

Était-ce vraiment moi? Ce nez ? Ce profil? Ce visage triste, anguleux!

Je regardais ces photos, en me disant que personne ne voudrait plus de moi. Je ne trouverais aucun homme à qui plaire. Mon regard tomba sur les photos. Normal, me dis-je, à mon âge et avec CE NEZ. Et tout le reste.

J’étais sur le point de passer un examen important pour obtenir un diplôme. Je partis chez mon père me reposer pour quelques jours avant le soutenir. Ma tante n'habitait pas loin de là.

Juli 40 ansPapa avait été ravi d’apprendre que je divorçais, il n’avait jamais aimé mon mari. Sa femme, la marâtre, était furieuse, craignant que mon divorce et diplôme ne me rapprochent de mon père.

Naïvement, j'ai raconté à ma belle-mère ma solitude. Les hommes absents de ma vie, les photos et mon nez.

Aussitôt, elle me conseilla, tout miel :

— Aucun problème ! Je connais un bon docteur, il te raccourcira le nez sans douleur, t’en fera un. Un nez comme il faut.

— Mais je ne reste pas longtemps ici.

— Il te prendra, rapidement. Appelle-le tout de suite!

Le rendez-vous fut pris pour le lendemain matin. Quand j’avertis mon père, il devint furieux (tout comme sa femme l’espérait).

— Pas question de changer ton visage ! Quelle idée extravagante, maladive!

Best "Worst" in sepia— C’est mon visage, tu n’as rien à y dire.

— Fais-le, et je te déshérite.

— Tu ne vas pas me commander, je suis adulte dorénavant! Tu ne peux plus diriger ma vie, même si j’ai divorcé.

Je n’avais pas besoin à 43 ans d’un nouveau tyran, de quelqu’un qui me dise quoi faire ou ne pas faire, comment vivre. Je me ferais raccourcir le nez le lendemain.

Je quittai mon père en pleurant pour aller dormir chez ma tante.

La sœur cadette de ma mère avait à l’époque 73 ans, elle était restée veuve depuis deux ans. Elle avait eu de la chance, elle savait comment prendre les hommes. Elle venait de trouver un homme qui l’aimait passionnément, un charmant vieux monsieur de 80 ans. Ce soir-là-là, il était chez elle et c’était lui, fin cuisinier, qui préparait le diner. Délicieux!

Je leur racontai mes ennuis avec mon père et... mon nez.

— En quoi ton nez te dérange? demanda-t-il après le dessert. Tu es charmante, telle que tu es.

— Il est trop long! Aucun homme ne me regarde depuis des mois.

— Et toi, les regardes-tu? Il faut leur faire signe, puis les laisser venir et lutter pour toi. Ton nez fait partie de ta personnalité, de ton caractère. Très intéressant, très séduisant. À ta place, je ne le changerais pas, cela touchera ton expression piquante, ton caractère. Sois toi-même! Reste avec ta personnalité, ton visage à toi. Cela te donne ton style intéressant, personnel.

— Vraiment ?

— Absolument. Tu verras, telle que tu es, tu n’auras qu’à faire un petit signe et plusieurs hommes courront après toi. Autant que tu voudras. Et, avec ta personnalité, ils ne pourront plus te quitter, c’est toujours toi qui décideras.

Il me rendit confiance. Ma belle-mère perdit cette bataille.

J’ai conservé mon nez, tel qu’il était.Différentes moi-rides Mon vieil ami avait raison: quelques mois plus tard, dans un autre pays, j’ai commencé à plaire de nouveau.

Je ne me souviens pas que mon nez m’eût jamais dérangé depuis.

***
Et depuis "le nez" jamais plus je n’ai eu de difficulté à plonger, à me lancer, et l’écriture est une telle joie! Une fois lancé, j'ai continue.

À chacun son visage et son corps et sa voie. Où est-ce que ça mène? Qui sait? Mais le chemin est beau.

Chacun de nous a quelque chose de fascinant dans sa vie, ses récits à lui. Selon la façon dont on le tourne, notre récit peut dire aussi des vérités générales, mais il sera fait selon notre personnalité, avec notre style et notre voix.

Je crois que c'est aussi vrai pour nos blogs.

Et je vous recommandes à tous l'exercice "De quoi je ne me souviens pas?" Plongez-vous! Allez-y pour un ou deux pages! Ou comme je le fais depuis ce texte publié en mars 2005 dans ce blog écrivez-le directement sur le web. Enregistré, vous pouvez ensuite la publier ou non. Chaque texte donne plus de courage pour le suivante. Et, le fait que mon nez parait plus allongé depuis que j'ai maigri un peu, ne me dérange pas dû tout!
***
Ce matin, en répétant ce texte avec le miroir dans le main et enregistrant pour pouvoir me revoir, j'ai pris cette image qui m'a étonnée.
Oups!
Demain matin, je vous racontera la rencontre photos à l'appui: je remercie ceux qui sont venus et je regrette pour celles qui ont dit "oui" et n'ont pas venues finalement.

Mais nous nous sommes bien amusés avec une programme riche et des gens sympa!

3 commentaires:

  1. Bonjour,
    Quelle richesse délicate dans votre récit! Il ravive mes interrogations , je suis toujours fâché avec mon image mais je l'oublie.

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  2. Coucou, Tu es très séduisante! Et tu sais raconter les histoires mais les deux sont liés, tes visages dans le temps sont superbes, attendrissants, drôles, dignes, une vraie actrice qui sait jouer de tous les registres de la séduction! Sauf le nez, que je trouve un peu trop petit, j'aime bien quand ça gêne un peu dans les baisers, euh je m'égare... Bises ;)

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  3. épatante cette note !vive toi

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