lundi 8 novembre 2010

Sandor Teszler

Un professeur de Sud Calefornie, Ben Dunlop, - voir mon blog Competent Comunicator, raconte sur Ted.com l'histoire d4un juif Hongrois, devenu, vers ses 90 ans, patron de l'Université, dans lequel, il a pris 'tous les cours'.

Le recit sur Sandor Teszler vie est sur Ted.com en Anglais, mais le recit a tellement touche que c'etait traduit en pleine des langues - y compris Hongrois et Français.

C'est une des peintures de Teszler qui a laisse a l'Universite: deux fillettes hongroise d'une village, dans leurs habits paysans hongroise de fete.

Le récit est longue, mais j'ai décide a la mettre ici. La partie qui m'a la plus frappée est comment il a installe une usine ou blancs et noirs travaillaient cote a cote dans le sud dans les années 1950...

Et moi, aussi, comme Teszler disait, crois "les gens sont fondamentallement bons"...
D'accord, des fois bêtes ou trop influençables ou...

Si l'histoire vous parait trop long, sautez directement a la partie que j'ai mise ce matin en gras.
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"Yo napot, pacak!" ce qui, au moins une personne ici doit le savoir, signifie "Ca va, toi?" en magyar, cette langue non indo-européenne un peu particulière que parlent les Hongrois - et sur laquelle, vu que la diversité cognitive est au moins aussi menacée que la biodiversité sur cette planète, peu de gens auraient parié il y a un siècle ou deux qu'elle aurait un avenir. Mais voilà : "Yo napot, pacak!"

J'ai dit qu'une personne ici doit le savoir, car, en dépit du fait qu'il n' y ait pas beaucoup de Hongrois, et du fait qu'autant que je sache, il n'y ait pas une seule goutte de sang hongrois dans mes veines, à chaque étape cruciale de ma vie un ami ou un mentor hongrois s'est retrouvé à mes côtés. Je fais même des rêves qui se déroulent dans des paysages que je reconnais comme ceux des films hongrois, en particulier les premiers films de Miklos Jancso.

Alors comment expliquer cette mystérieuse affinité ?

Peut-être parce que la Caroline du Sud, l'état d'où je viens, qui n'est pas beaucoup plus petit que la Hongrie actuelle, s'est un jour imaginé un avenir en tant qu'état indépendant. Et en conséquence de cette audace, ma ville d'origine a été brûlée à ras par une armée au cours d'une invasion, destin subi par beaucoup de villages et de villes de Hongrie tout au long de leur longue histoire tourmentée. Ou peut-être parce que quand j'étais adolescent dans les années 50, mon oncle Henry, qui avait dénoncé le Ku Klux Klan -- a reçu des bombes en guise de remerciement et on a brûlé des croix dans son jardin -- et que ,menacé de mort, il a emmené sa femme et ses enfants vivre au Massachusetts pour les protéger puis est revenu en Caroline du Sud pour faire face au Klan, seul. C'était un comportement très hongrois, comme tous ceux qui se rappellent de 1956 peuvent en attester. Et bien sûr, de temps à autre, les Hongrois ont aussi inventé leur propre équivalent du Klan.

Il me semble que cette présence hongroise dans ma vie est difficile à expliquer, mais en fin de compte je l'associe à une admiration pour des gens qui ont une conscience morale compliquee; un heritage de culpabilité et de défaite mais aussi un sens du défi et de la bravoure. Ce n'est pas un état d'esprit habituel à la plupart des Américains. Mais par la force des choses, il caractérise presque tous les Hongrois. Donc, "Yo napot, pacak !"

Je suis revenu en Caroline du Sud après environ 15 ans parmi "les blés de l'étranger" à la fin des années 1960, avec la condescendance implacable propre à cette époque, et l'idée que j'allais sauver mon peuple. Inutile de souligner que les gens avaient du mal à admettre qu'ils avaient besoin d'être sauvés. J'ai été le vigneron de la parabole pendant vingt-cinq ans, puis je me suis retrouvé dans un petit royaume des justes au nord de la Caroline du Sud, un établissement d'enseignement supérieur affilié aux Méthodistes appelé Wofford College. Je ne connaissais rien de Wofford, et j'en savais encore moins sur le Méthodisme, mais j'ai été rassuré de voir à mon premier jour d'enseignement à Wofford College que parmi les auditeurs de mon cours se trouvaient un Hongrois de 90 ans, entouré d'une foule d'Européennes d'âge mûr, qui semblaient jouer le rôle des jeunes filles du Rhin autour du héros.

Il s'appelait Sandor Teszler. C'était un vieux veuf espiègle dont la femme et les enfants étaient morts et dont les petits-enfants vivaient loin. Il avait un air de Mahatma Gandhi -- sans le pagne et avec des chaussures orthopédiques. Il était né en 1903 dans les provinces de l'ancien empire austro-hongrois, dans ce qui allait devenir la Yougoslavie. Enfant, il avait été rejeté, non parce qu'il était juif - ses parents n'étaient pas très religieux de toute façon - mais parce qu'il était né avec deux pieds bots, une maladie qui nécessitait à l'époque d'être interné en établissement spécial et de subir une série d'opérations douloureuses entre 1 et 11 ans. Une fois devenu un jeune homme, il alla en école de commerce à Budapest. Là, il fut aussi intelligent que modeste, et il a extrêmement bien réussi, et après avoir décroché son diplôme, il entra dans l'ingénierie du textile et maintint sa réussite. Il construisait une usine après l'autre. Il se maria et eut deux fils. Il avait des amis haut placés qui lui assuraient qu'il était très important pour l'économie.

Une fois, conformément à ses instructions, il a été appelé au milieu de la nuit par le veilleur d'une de ses usines. Le veilleur avait attrapé un employé qui volait des chaussettes - c'était une fabrique de bonneterie, il avait juste fait reculer le camion sur le pont de chargement et il était en train de charger des montagnes de chaussettes. M. Teszler se rendit à l'usine, confronta le voleur et lui dit, "Mais pourquoi me volez-vous ? Si vous avez besoin d'argent, il vous suffit de demander." Le veilleur, voyant comment les choses se déroulaient, s'indigna et dit "Bon, on appelle la police, non ?" Mais M. Teszler répondit, "Non, cela ne sera pas nécessaire. Il ne volera plus notre marchandise."

Il était peut-être trop confiant, parce qu'il est resté où il était bien après l'Anschluss des nazis en Autriche, et même après le début des arrestations et des déportations à Budapest. Il a pris la simple précaution d'avoir des capsules de cyanure dans des écrins que lui et sa famille pouvaient porter en pendentif. Et puis, un jour, c'est arrivé : lui et sa famille ont été arrêtés, et on les a amenés à une maison de la mort sur le Danube. A cette époque du début de la Solution Finale, c'était l'artisanat de la brutalité -- les gens étaient battus à morts et leurs cadavres étaient jetés dans le fleuve -- mais aucun de ceux qui n'étaient entrés dans cette maison de mort n'en était ressorti vivant.

Dans un retournement qui semblerait incroyable dans un film de Spielberg, le Gauleiter qui supervisait les coups était le même bandit qui avait volé des chaussettes de la bonneterie de M. Teszler. Les coups étaient sans pitié. Et au milieu de cette brutalité, l'un des fils de M. Teszler, Andrew, a levé les yeux et dit, "Est-ce qu'on prend la capsule maintenant, Papa ?" Et le Gauleiter, qui disparaît de cette histoire après cela, s'est penché pour souffler à l'oreille de M. Teszler, "Non, ne prenez pas la capsule. Vos sauveurs arrivent." Puis les coups ont repris.

Mais les sauveurs - les sauveurs étaient en train d'arriver, et peu de temps après une voiture est arrivée de l'ambassade de Suisse. On les a emmenés rapidement et mis en sécurité. Ils ont été reclassés citoyens yougoslaves et ils ont réussi à maintenir une longueur d'avance sur leurs poursuivants pendant toute la durée de la guerre, survivant aux incendies et aux bombardements, et à la fin de la guerre, à une arrestation par les soviétiques.

M. Teszler avait probablement placé de l'argent dans des comptes en Suisse, parce qu'il a réussi à emmener sa famille d'abord en Grande-Bretagne, puis à Long Island, puis au centre de l'industrie du textile dans le Sud des Etats-Unis. Et le hasard a fait qu'il était à Spartanburg, en Caroline du Sud : là où se trouve Wofford College. Ensuite M. Teszler a tout repris à partir de zéro, et une fois de plus il a formidablement réussi, surtout après qu'il ait inventé un processus de fabrication d'une nouvelle étoffe appelée le jersey double.

Ensuite, à la fin des années 1950, après le procès anti-ségrégation Brown contre le conseil d'éducation, alors que le Klan reprenait des forces partout dans le Sud, M. Teszler a dit, "J'ai déjà entendu ce genre de discours." Il a fait venir son premier assistant et lui a demandé, "Où diriez-vous que le racisme est le plus virulent dans cette région ?" "Je ne suis pas sûr, M. Teszler. Je crois que c'est à Kings Mountain." "Bien. Achetez-nous un terrain à Kings Mountain, puis annoncez que nous allons y construire une grosse usine." L'assistant a exécuté ses ordres, et peu de temps après M. Teszler a reçu la visite du maire blanc de Kings Mountain. 

Je dois vous dire qu'à cette époque l'industrie du textile dans le Sud était notoire pour sa ségrégation. 

Le maire blanc a rendu visite à M. Teszler et lui a dit, "M. Teszler, j'espère que vous allez engager beaucoup d'ouvriers blancs." M. Teszler lui dit, "Amenez-moi vos meilleurs ouvriers, et s'ils sont assez bons, je les engagerai." 

Il a également reçu la visite du dirigeant de la communauté noire, un pasteur, qui lui dit, "M. Teszler, j'espère bien que vous allez engager quelques ouvriers noirs pour votre nouvelle usine." Il reçut la même réponse : "Amenez-moi vos meilleurs ouvriers, et s'ils sont assez bons, je les engagerai." Au passage, le pasteur noir accomplit sa tâche mieux que le maire blanc, mais cela n'a rien à voir. M. Teszler engagea 16 hommes, huit blancs, huit noirs.

Ils étaient son groupe pilote, ses futurs contremaîtres. Il avait installé les machineries lourdes pour son nouveau processus dans un magasin abandonné près de Kings Mountain, et pendant deux mois ces 16 hommes allaient vivre et travailler ensemble, pour maîtriser le nouveau processus. Il les réunit après une première visite de l'installation et leur demanda s'ils avaient des questions. Il y eut des murmures, des marmonnements, on dansa d'un pied sur l'autre, puis l'un des ouvriers blancs s'avança et dit, "Ben, ouais. On a regardé l'endroit, et il n'y a qu'un seul endroit pour dormir, un seul endroit pour manger, une seule salle de bains, une seule fontaine à eau. Ca va être une usine mixte, ou quoi ?" 


M. Teszler a dit "On vous paie le double des salaires de n'importe quel ouvrier du textile dans cette région, et c'est comme ça qu'on travaille. Y a-t-il d'autres questions ?" "Non, c'est bon." Et deux mois plus tard, quand l'usine principale ouvrit ses portes et que des centaines de nouveaux ouvriers, blancs et noirs, arrivèrent en masse pour voir l'installation pour la première fois, ils furent accueillis par les 16 contremaîtres, blancs et noirs, épaule contre épaule. Ils visitèrent l'installation et on leur demanda s'ils avaient des question. Inévitablement, la même question fut posée : "C'est une usine mixte, ou quoi ?" L'un des contremaîtres blancs s'avança et dit, "On vous paie le double des salaires des autres ouvriers dans ce secteur dans cette région et c'est comme ça qu'on travaille. Y a-t-il d'autres questions ?"

Et il n'y en avait pas. D'un seul coup, M. Teszler avait mis fin à la ségrégation dans l'industrie du textile de cette région du Sud. C'était un exploit digne de Mahatma Gandhi, mené avec la ruse d'un avocat et l'idéalisme d'un saint. Âgé de quatre-vingt ans, M. Teszler, retraité du textile, adopta Wofford College -- allant assister à des cours en auditeur libre chaque semestre. Et, comme il avait tendance à embrasser tout ce qui bougeait, on lui donna le surnom affectueux d'Opi, grand-père en Magyar, à l'unanimité. Quand je suis arrivé, la bibliothèque de l'université avait été baptisée en l'honneur de M. Teszler et après mon arrivée en 1993, la faculté s'était décerné l'honneur de nommer M. Teszler Professeur du Collège. En partie parce qu'à ce stade, il avait déjà suivi tous les cours au programme, mais surtout parce que il était plus sage que n'importe lequel d'entre nous, de façon si évidente. Pour moi, c'était un réconfort énorme de savoir que l'esprit qui gouvernait cette petite université méthodiste en haut de la Caroline du Sud était un survivant de l'Holocauste d'Europe Centrale.

Sage, il l'était bel et bien, mais il avait aussi un merveilleux sens de l'humour. Une fois, pendant un cours interdisciplinaire, je montrais l'ouverture du "Septième sceau" d'Ingmar Bergman. Alors que le chevalier médiéval Antonius Blok revenait de la chasses aux oies sauvages des Croisades et qu'il arrivait sur la côte rocheuse de Suède, uniquement pour trouver le spectre de la mort qui l'attendait, M. Teszler était assis dans l'obscurité avec ses camarades. Alors que la mort ouvrait sa cape pour étreindre le chevalier dans une embrassade mortelle, j'ai entendu la voix chevrotante de M. Teszler : "Oh, oh" dit-il, "ça n'a pas l'air de bien se présenter."

Mais sa plus grande passion, c'était la musique, surtout l'opéra, et la première fois que je lui ai rendu visite chez lui il m'a donné l'honneur de décider du morceau de musique que nous écouterions. Et j'ai fait ses délices en rejetant la "Cavalerria Rusticana" lui préférant "Le château de Barbe-bleue" de Béla Bartok. J'adore la musique de Bartok, et M. Teszler l'adorait aussi, et il possédait la quasi totalité des enregistrements de la musique de Bartok. C'est chez lui que j'ai entendu pour la première fois le troisième Concerto pour piano de Bartok, et que j'ai appris de M. Teszler qu'il avait été composé dans la ville voisine d'Asheville, en Caroline du Nord, la dernière année de l'existence du compositeur. Il était en train de mourir à cause d'une leucémie et il le savait, et il a dédié ce concerto à sa femme, Dita, elle-même pianiste de concert. Dans le deuxième mouvement lent, intitulé "adagio religioso" il a inclus les chants d'oiseau qu'il entendait par sa fenêtre au cours de ce qu'il savait être son dernier printemps. Il imaginait un avenir pour elle où il ne jouerait aucun rôle. Et il est évident, évident que cette composition est sa dernière déclaration pour elle elle a été jouée en public après sa mort pour la première fois et à travers elle, au monde. Et il est tout aussi évident que le concerto dit "Ça va. Tout était si beau. Quand vous entendrez ceci, je serai présent."

Ce n'est qu'après la mort de M. Teszler que j'ai appris que l'inscription sur la tombe de Béla Bartok à Hartsdale, New York avait été payée par Sandor Teszler. "Yo napot, Béla !"

Peu avant la mort de M. Teszler à l'âge de 97 ans, il m'a entendu discourir sur l'iniquité de l'homme. J'avais fait un cours magistral où je décrivais l'histoire dans son ensemble comme une vague de souffrance et de brutalité humaines, et M. Teszler vint me voir après cela, me l'a gentiment reproché et m'a dit, "Vous savez, docteur, les être humains sont fondamentalement bons."

Je me suis promis envers moi-même, à ce moment, que si cet homme qui avait tant de raisons de penser le contraire était parvenu à cette conclusion, je n'allais pas avoir l'audace de penser autrement jusqu'à ce qu'il me libère de ma promesse. Et maintenant il est mort, donc je suis coincé avec ma promesse. "Yo napot, Sandor!"
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Le discours du professeur Americain continue encore, mais la partie sur Teszler fini ici.

2 commentaires:

  1. merci pour cette transmission, pour l'histoire et pour le ton, qui est tout ce qu'on aime dans les américains (mélange de distance apparente et d'implication sensible)

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  2. merci infiniment Julie pour cette histoire retranscrite, ce soir Pierre et moi en sommes émus et nous pensons à toi. Bon voyage en irlande, nous suivrons ta progression !

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