jeudi 31 mars 2005

Se rappeler

Est-ce que se rappeler de quelque chose encore plus douleureuse nous soulage, ne que soit un peu?

Je me suis réveillée ce matin avec cette nuit de premier décembre 1949 comme si j'y étais encore. Parce que dans mon journal que je venais de publier sur le blog 1944 - 2004, trois jours après, je ne pouvais même pas faire allusion. A la place, j'évoquais autre épisode qui m'avait pesé sur la conscience pendant cinquante ans.

Cette nuit, tout comme certains livres, a eu pourtant une impact important dans ma vie, même si c'était enfuis profondément en me disant "c'est arrivé à mon père pas à moi".

Mais c'était moi qui m'es réveillée avec un revolver sous mon nez et des hommes habillés sombre et regard menacant tout autour de mon lit. J'avais 15 ans et demi. D'autres pas lourds : qui a pu entrer chez nous ? Que me veulent-ils?

- Sors de lit!

Je n'avais qu'un petit et mince chemise de nuit sur moi, et maman m'avait éduqué extrêmement prude. A l'époque, j'en étais encore. Puis, que font-ils faire si... Je me suis subitement rappelée la nuit quand les soldats russes nous ont réveillés dans la cave où nous dormions tous les uns contre les autres pendant et juste après la guerre, à Budapest en 1944 : ils sont aussi mis leur armes devant notre nez avant de hurler et nous réveiller. Et aussitôt après, ils ont ordonné aux femmes, aux jeunes femmes, d'aller le lendemain "à la corvé de peler des pomme de terre" ce qui signifiait : bordel pour les soldats. A l'époque, j'avais seulement dix ans, et nous avons échapés, passant la glace de Danube, revenant en Roumanie.

J'étais maintenant à Bucarest, et non, je n'avais aucun envie de me lever du lit. Ou alors, en mettant la couverture tout autour de moi.

-Non, sans couverture. Tu laisses tout ici. Tu vas chez ta mère.

Il y avait une longue corridor entre les deux chambres. J'hésitais encore. Ils sont devenus menacants et Stalin, sur son portrait au dessus mon lit, ne me donnait aucun conseil. C'est maman qui a crié finalement :

-Viens, Julie, rapidement. Viens ici.

Je me suis précipité et courus à perte d'halaine (mal écrit probablement, mais je ne vais pas m'arrêter à vérifier) et je suis arrivée et caché sous l'édrédon de maman. Papa était en pygama devant le lit : en menottes. Je le regardais hébettée.

On nous a obligé de rester dans le lit jusqu'à midi, et cela après qu'au milieu de la nuit on a emporté papa et tous les papiers trouvés, heureusement pas mes journaux d'enfance qui était entre mes cahiers d'écoliers. Je tremblais que va nous arriver entre tous ses hommes. Maman n'était pas très rassurée non plus. Ces heures d'angoisse : non, ce n'est pas arrivé seulement à mon père, emporté dans les caves de Securitate. Et on ne nous a même pas dit pendant six mois où il était, où ils l'ont emporté.

A midi, enfin, quand il ont réussi à arrêter le copain de papa qui habitait avec nous mais avait dormi chez sa maîtresse cette nuit-là, on nous a permit de nous lever du lit, nous habiller. Puis, aussitôt, ils nous ont "aidé" à déménager de première étage, appartement grand, dans un minuscule du sixième étage sur les toits de l'immeuble. En réalité, je n'ai pas réalisé alors, nous avons eu du chance encore. Mon amie Alina avait été mise dehors, elle avait 12 ans, avec sa mère au milieu de nuit d'hiver dans les montagnes sans rien sur eux et sans qu'on leur dit où elles peuvent aller et c'était seulement son cartable qu'on a laissé emporter.

Mais mes "problèmes" puisque c'est la seule chose que je fais référence dans mon journal à 3 décembre que je viens publier, ne se sont pas arrétés là. On m'a invité dans une réunion de l'union de jeunesse et demandé que je fais mon "autocritique" et exclu avec fausses accusation de l'union de jeunesse auquel je tenais tant. Mais ce n'est pas vrai, ce qu'ils ont dit ! me disais-je. Non, tout cela n'est pas arrivé qu'à mon père, même si pour lui avait été beaucoup plus dur. Et pour maman aussi.

Je me le suis enfuis au long des années tout ceci (cela?) profondément en moi, mais quelque fois cela sort, quelque fois cela est lourd à porter et aujourd'hui, cela fait bien de le partager ici.

3 commentaires:

  1. Moi qui suis au tout début de ma vie (je n'ai que 17ans), je me rend compte que je grandie vraiment dans une époque facile... c'est incomparable avec ce que les personnes de ta généartion Julie ont vécu.

    Noam.

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  2. Moi qui suis au tout début de ma vie (je n'ai que 17ans), je me rend compte que je grandie vraiment dans une époque facile... c'est incomparable avec ce que les personnes de ta généartion Julie ont vécu.

    Noam.

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  3. Chacun de nous (et chaque époque) a d'autres soucis, autres problèmes. Hélas, aucune vie ne peut se passer sans. Le tout est d'apprendre à les surmonter. A continuer. A tirer, plus tôt ou plus tard, les conclusions. Je crois fermement, toujours : quand une porte se ferme devant mon nez, une fenêtre s'ouvre.

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